Taube – C. – II.2 Tierkunde, Enzyklopädik

Comme il a été signalé plus haut à propos de la zoologie antique, les colombidés jouissent d’une place particulière chez les naturalistes en raison de leur caractère commun et facilement étudiable en tant que représentants de l’ensemble de la gent aviaire. Pline s’est en partie inspirés d’Aristote, il est repris par Solin, et ils furent eux-mêmes les deux sources majeures des encyclopédistes du Moyen Âge, qui innoveront peu.

Isidore, qui s’est intéressé à l’origine des noms, apporte à ce titre quelques données supplémentaires qui furent reprises dans les bestiaires latins (voir supra). Notons qu’il ressort des Étymologies un contraste direct entre l’affection des tourterelles pour les lieux désertiques, et celle des colombes pour les milieux habités. Ce contraste sera repris par certains auteurs, qui s’en serviront pour illustrer l’érémitisme et le cénobitisme (Hugues de Fouilloy, Aviarium, 23-36, Guillaume de Saint-Thierry, Lettre aux frères du Mont-Dieu, II, 1). L’évêque de Séville attribue le goût pour la chasteté à la palombe et non à la tourterelle ; la colombe, qualifiée par Isidore d’oiseau de Vénus, garde son caractère libidineux. La libido des colombes est de loin la particularité qui revient le plus souvent et qui est le plus développée dans les encyclopédies médiévales.

Raban Maur (De nat. rer., 6, 6) reprend Isidore et lui adjoint une interprétation exégétique: la tourterelle qui affectionne la solitude représente les religieux cloîtrés ainsi que la beauté variée du corps du Christ qu’est l’Église œcuménique (d’après Ct 1, 14). Il précise également que Jonas vient du mot hébreu pour colombe (voir supra) et associe donc ce patriarche à l’oiseau (De nat. rer., 5, 3). Il précise également que les deux colombes sacrifiées au temple lors de la naissance du Christ figurent la chair et l’esprit de l’homme (De nat. rer., idem 5, 10). Un peu plus loin il donne toutes les interprétations possibles des colombes dans la Bible: Dieu dans Jérémie; le Saint Esprit dans les Évangiles; l’Église selon le Cantique des cantiques ; les apôtres dans Isaie et les juifs dans le Livre biblique de Sophonie. Il interprète aussi la couleur argentée des ailes, évoquée en Ps. 67,14, comme l’image de l’éloquence des prêcheurs.

Les encyclopédistes du XIIIe s. s’intéressent tous aux colombidés, dont ils distinguent le plus souvent les colombes des tourterelles. Nous en résumons les données par registres, en usant des sigles suivants: AN pour Alexander Nequam, De naturis rerum, 1, 56 et 59; TC pour Thomas de Cantimpré, Liber de natura rerum 5, 36 et 113; BA pour Barthélemy l’Anglais, De proprietatibus rerum, 12, 6 et 34; VB pour Vincent de Beauvais, Speculum Naturale, 16, 53-59 et 143-144; CP pour le Compendium Philosophiae, 14, 20 et 18; AG pour Albert le Grand, De animalibus, 23, 32 et 105.

Dans l’ensemble on observe peu de nouveautés par rapport aux encyclopédistes de l’antiquité et du haut Moyen Âge et aux Bestiaires. Les principales thématiques abordées par les savants compilateurs du XIIIe siècle correspondent finalement grosso modo à la liste donnée par Hugues de Fouilloy: elles gémissent au lieu de chanter (AN, AG); elles n’ont pas de fiel (AN, TC, BA, AG, VB); elles sont très affectueuses (TC, BA, VB, AN, AG, CP); les colombes vivent en troupes (BA, AG); elles se nourrissent de grains et non de prédation (BA, AG, AN, VB); elles affectionnent les creux de rochers (AN, BA, VB, CP – ce comportement est tantôt attribué à la colombe tantôt à la tourterelle, bien qu’Albert le Grand souligne que l’hibernation des tourterelles dans les rochers n’a jamais été prouvée); elles vivent près de l’eau pour être prévenues de la venue des prédateurs par le reflet (TC, BA, VB, AN); elles ne nourrissent que deux oisillons (BA, VB, AG – là aussi la donnée est tantôt attribuée à la colombe, tantôt à la tourterelle). Les encyclopédistes reprennent aussi souvent les autres Bestiaires, à propos des colombes : la variété de leurs robes et des espèces (VB, AG, AN) et la couleur changeante des plumes de leur cou (BA, VB, CP), ainsi que l’histoire du pérédixion (TC, VB, AG).

Même importance de la tradition ancienne pour les informations sur tourterelles, dont les principales naturae sont elles aussi reprises aux Bestiaires et aux premières encyclopédies: elles tirent leur nom de leur cri (TC, AG, VB, CP); préfèrent les lieux isolés (TC, VB, CP), nichent dans des lieux difficiles d’accès et des arbres à la ramure dense (TC, BA) mais descendent parfois dans le voisinage des hommes pour se nourrir (BA); et enfin elles sont chastes et fidèles même après la mort de leur compagnon (BA, AG, VB, CP).

A cette liste traditionnelle s’ajoutent diverses observations plus spécifiques au XIIIe siècle et pour la plupart liées à la redécouverte d’Aristote (ainsi, Barthélemy l’Anglais et Albert le Grand répètent à peu près ce qu’Aristote a dit, et que nous ne rendrons pas dans le détail ici): les colombes affectionnent la proximité des hommes (BA, AG, VB, CP); ils se préservent des prédateurs et certains précisent qu’ils savent distinguer les différentes espèces de rapaces à leur ombre et, connaissant leur mode de prédation, adaptent ainsi leur fuite (VB, AG). On trouve parfois des mentions de la mue des tourterelles (BA, AG) et le fait que leur retour annonce celui du printemps (AG, CP). La présence du jabot  et le lait de jabot sont (assez) peu mentionnés (BA, AG, VB), de même que leur façon de boire sans relever la tête (BA, AG, VB).

Comme toujours le domaine où ces auteurs montrent la plus grande prolixité concerne les amours des colombes. On retrouve notamment de temps à autre l’étymologie médiévale de columba qui viendrait lumbos colit, parce que les colombes entretiennent leurs reins par de fréquents rapports (BA, AG, CP). A ce propos, Albert le Grand (8, 2, 3), rapporte une observation originale d’Avicenne (DA, 9, 16), qui décrit comment, lorsque deux mâles s’affrontent pour une femelle, celle-ci va d’abord rejoindre le vainqueur du premier combat. Mais si le vaincu, après avoir repris ses forces, parvient à reprendre le dessus, alors la femelle retourne vers lui. On trouve enfin régulièrement des observations sur la fréquence des couvaisons qui ont lieu toute l’année, et le fait que les petits sont plus robustes lorsqu’ils naissent au printemps et en automne (BA, VB, AG). Ou encore sur le fait que les parents battent et chassent leurs petits lorsqu’ils restent trop longtemps au nid, et que le mâle va jusqu’à les cocher avant de les chasser (BA, AG). Il est aussi fait mention parfois des œufs non fécondés et de la frénésie de copulation des mâles (BA, AG).

Plusieurs de ces encyclopédistes évoquent quelques vertus médicales attribuées à certaines parties du corps des pigeons. La plus courante est celle qui prête un pouvoir dissolvant  au sang prélevé sous l’aile droite de l’oiseau, et qui en vertu de sa chaleur intense est préconisé pour soigner l’inflammation des yeux (BA, AG, VB, CP et Plac. Med. 30,2 - Sextus Placitus Papyriensis, CML IV). Barthélemy l’Anglais attribue le même pouvoir au sang de la tourterelle et de l’hirondelle. Il est intéressant de noter que l’opposition entre colombes et tourterelles se retrouve dans leurs ›natures‹ puisque si les premières sont chaudes, les secondes en revanche sont réputées être de complexion froide. Par ailleurs, Barthélemy l’Anglais complète aussi sa notice sur la description des qualités de la chair de la colombe et de la tourterelle, qui, chaude et humide chez les jeunes, devient sèche et dure en vieillissant.

Ausg.: M. de Boüard: Une nouvelle encyclopédie médiévale: le ›Compendium philosophiae, 1936; Thomas Cantimpratensis: Liber de natura rerum, ed.H. Boese, 1973; Albertus Magnus: De animalibus libri XXVI, éd. H. Stadler, 1916-1920; Albertus Magnus: On Animals, trad. K. F. Kitchell/ I. M. Resnick, 1999; Alexander Neckam: De Naturis Rerum, éd. T. Wright, 1863; Bartholomaeus Anglicus: De proprietatibus rerum, Reprint 1624; Isidore de Séville: Étymologies, Livre XII: Des animaux, éd./trad. J. André, 1986; Rabanus Maurus: De Rerum naturis, PL 111.

Rémy Cordonnier

Zurück zu "Taube" | Zurück zu "C. Lateinische Literatur" | Zurück zu "C. Lateinische Literatur - II.1 Physiologus, Bestiarien" | Weiter zu "D.1 Französische Literatur"