Esel – D.1 – IV.3 Diskursive Texte

De façon générale, il apparaît que la part de l’âne dans la littérature française médiévale n’est pas considérable, bien en-deçà, en tout cas, de ce que laissait présumer l’importance de l’animal dans la civilisation matérielle du temps: tout à la fois animal de trait et de transport, d’alimentation (lait, viande), il reste confiné dans l’ordre de la civilisation matérielle et ne s’en échappe que pour se voir exposé à des préventions largement tributaires de l’héritage gréco-latin, que sa réhabilitation par le texte biblique n’a que très partiellement corrigées.

L’association de l’âne avec l’eau, représentée par de nombreux mythes antiques, lui a fait attribuer des pouvoirs de divination. C’est ainsi que Jean Molinet, historiographe des ducs de Bourgogne, rapporte comment Louis XI remplaça son astrologue par un âne qui, mieux que lui, avait fait deviner la tempête qui perturberait la chasse royale (Les Pronostications joyeuses, 503). Enfin, il y a lieu de faire une place à part, en raison de sa célébrité, à une anecdote qui intéresse tout à la fois la zoologie, la philosophie et la tradition populaire: l’âne de Buridan, image de la sottise d’un animal qui, assailli également par la soif et de la faim, ne parvient pas, dit-on, à choisir entre le seau d’eau et le foin placé devant lui, et meurt de son indécision. Jean Buridan, grand philosophe en Sorbonne, usait vers 1340 de cet exemplum pour trancher en faveur du nominalisme d’Occam, qui accordait le libre arbitre aux animaux; il invitait donc ses adversaires à faire l’observation inverse: l’âne choisit de boire d’abord. Et comme nous l’enseigne également la zoologie, il boit »en âne«, c’est-à-dire sans vider complètement le seau. Il semble enfin que Buridan n’ait jamais proposé d’introduire effectivement un âne en Sorbonne pour faire admettre sa raison.

De même, ce n’est pas un âne véritable qui se produisait dans la cathédrale de Sens lorsque Pierre de Corbeil, évêque de ce diocèse, entreprit au début du XIIIe siècle d’y faire célébrer aux vêpres de la Circoncision l’office contenant la fameuse Prose de l’âne. Les strophes de l’Orientis partibus, dont la musique a été conservée, exaltent la beauté et la vigueur de l’âne d’Orient. Pierre de Corbeil voulait, par une cérémonie authentiquement chrétienne, soustraire cet office au voisinage calendaire compromettant des Fêtes des fous et autres divertissements hérités des saturnales païennes. Mais face aux dérives qui se produisirent, à Sens et ailleurs, l’Église finit par condamner cette réjouissance populaire.

Ausg.: Les Pronostications joyeuses, éd. J. KOOPMANS/ P. VERHUYCK, 1998.

Reiseliteratur: L’animal montre son utilité dans la vie quotidienne de l’homme médiéval, et celui-ci n’est pas surpris de la retrouver dans ses voyages: ainsi de Félix Fabri (ou Faber), qui note, lors de son pèlerinage aux Lieux saints (1480-1483), que les voyageurs débarqués à Jaffa attendent que les ânes soient disponibles avant de se mettre en route pourJérusalem (il en allait semblablement, nous apprendra l’Encyclopédie, pour les musulmans se rendant à La Mecque).

Michel Bideaux

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