Hirsch – D.1 – II.1 Physiologus, Bestiarien

Dans les bestiaires français, de même que dans le Physiologus, qui reprend Aristote et les anciens ‘naturalistes’ comme Pline, Oppiane, Lucrèce, puis les Etymologiae d’Isidore de Séville, le cerf apparaît surtout en tant qu’ennemi du → serpent, symbole bien connu du Mal. Selon la tradition ancienne et médiévale, le cerf est un symbole christologique, tandis que le serpent représente le diable tentateur. D’après le bestiaire de Gervaise, l’inimitié s’explique à cause de l’habitude du serpent, appelé → dragon, de tuer les faons du cerf avant d’entrer dans sa fosse. Dans presque tous les bestiaires, on reprend en outre à la Naturalis Historia de Pline la caractéristique suivante: quand le cerf se sent vieillir ou tombe malade, il se rend à une source pour remplir sa bouche d’eau et la cracher sur le serpent caché dans sa fosse. Ensuite, le cerf souffle de toute sa force dans la tanière pour en faire sortir son ennemi et le manger. Il boit ensuite de l’eau afin de combattre le poison. De cette façon, le cerf se rénove et rajeunit, et peut ainsi vivre longtemps. Toutefois, si le cerf n’est pas malade ou vieux, il tue le serpent en le piétinant. Pour Gervaise, l’eau pure de la source permet au cerf de se guérir du venin du serpent: une fois trouvée la source, il vomit, perd ses cornes et mue aussi son poil et ses sabots. C’est en se baignant qu’il guérit définitivement du venin. On peut repérer, dans l’ensemble de ce motif, un transfert de la mue des reptiles à la mue du cerf. L’animal est aussi doué d’une excellente ouïe, mais quand il baisse ses oreilles, il devient sourd. En suivant Aristote, Gervaise dit aussi que si les cerfs entendent le son d’un type de flûte appelé en afr. frestel (FISTULAM), ils se figent d’étonnement et il est alors possible de les capturer aisément. En outre, les cerfs sont capables de traverser à la nage un grand fleuve ou un bras de mer, mais ils vivent surtout dans la montagne où, selon la moralisation de l’auteur, qui veut se confier à Dieu peut trouver le salut de l’âme en suivant leur exemple.

Autour de ce bloc assez stable de caractéristiques, les bestiaires français varient surtout dans l’allégorèse. Pour Guillaume le Clerc, v. 2561ss., la mise à mort du serpent par le cerf est assimilée à l’action de Jésus Christ qui chassa le diable par l’esprit de sa bouche. D’après Philippe de Thaün, l’eau que le cerf jette sur le serpent représente la sapience que Notre Seigneur répandit sur l’humanité, le souffle avec lequel il le chasse de sa fosse vient du Saint Esprit, la fosse, enfin, où le serpent s’abrite, signifie le corps humain, tenté par le serpent qui trompa Adam et Eve. En outre, selon Gervaise, § 25, le fait de vomir et de se purger avec de l’eau pour rajeunir, symbolise l’homme pénitent qui éloigne de soi le diable par l’abstinence et le jeûne ou, encore, le Christ qui a avalé le venin du monde en prenant sur lui la charge de notre salvation.

Le bestiaire du Pseudo Pierre de Beauvais, version longue, développe le Psaume 41:1 Quemadmodum desiderat cervus ad fontes aquarum, ita desiderat anima mea ad te, Deus et la glose du même psaume de Raban Maur: le cerf aime et recherche les fontaines, comme l’âme qui veut atteindre son renouveau spirituel désire s’abreuver à la source de la sapience divine. De façon unanime, le cerf est considéré comme un animal intelligent. En effet, dans notre corpus, parmi les qualités les plus connues qu’on attribue au cerf, figure en bonne place sa prudence: ainsi, le cerf fait coucher la biche là où les autres animaux, à cause de la présence de l’homme, n’ont pas le courage de pénétrer. Après la mise-bas, il amène ses petits, dont il prend soin très attentivement, dans une caverne dotée d’une seule entrée, afin de pouvoir se défendre contre les attaques des autres animaux. On connaît l’âge du cerf grâce aux cornes, et quand il les perd, il devient inoffensif et évite de se battre avant que ses bois ne repoussent. Dans le Bestiaire héraldique en latin de Johannes de Bado Aureo, l’on remarque que le cerf est également synonyme de prudence. Assez régulièrement, on relève aussi la rapidité du cerf, qualité qui lui permettra d’assumer dans d’autres types de textes le rôle de l’animal qui fait passer l’élu d’un monde à l’autre (Dubost).

Ausg.: Guillaume le Clerc: Bestiaire, éd. R. REINSCH, 1892; Philippe de Thaün: Le bestiaire de Philippe de Thaün, éd. E. WALBERG, 1900; Gervaise: Le bestiaire de Gervaise, éd. P. MEYER, Romania 1 (1872), 420-432; Pierre de Beauvais: Le Physiologus ou Bestiaire, version longue, éd. Ch. CAHIER/A. MARTIN, 1851-1856. Johannes de Bado Aureo : Bestiaire héraldique, ed. by E. J. JONES, 1943.

Lit. : F. DUBOST : Les merveilles du cerf: miracles, métamorphoses, médiations, Revue des Langues Romanes 98 (1994), 299; PH. MÉNARD: Le dragon, animal fantastique de la littérature française, Revue des Langues Romanes 98,2 (1994), 247-268; G. PICHON/J. DUFOURNET: Les cerfs dans les bestiaires, Revue des Langues Romanes 98,2 (1994), 315, 311-320.

Marco Maulu

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