Elefant – D.1 – II.1 Physiologus, Bestiarien

 

L’éléphant figure dans toutes les adaptations françaises des bestiaires latins avec les propriétés identiques ou très voisines: on mentionne assez généralement la rareté des accouplements en raison des temps de grossesse très longs, la conception favorisée par l’absorption de la mandragore, l’accouchement qui a lieu dans l’eau et l’inimitié qui oppose l’éléphant au → dragon. Les os et la peau de l’éléphant éloignent, quand on les brûle, les → serpents venimeux. Moins systématique est l’évocation de sa longévité, de son intelligence et de sa mémoire. De ce faisceau de propriétés communes dérivent les exégèses, assez uniformes d’un bestiaire à l’autre, elles aussi: l’éléphant femelle qui, pour inciter le mâle à l’accouplement, lui fait manger de la mandragore, plante aux vertus aphrodisiaques, est facilement assimilable à Eve, qui, en offrant à Adam la pomme, le poussa à la première transgression. L’eau où la femme met bas son petit, tandis que le mâle veille pour protéger sa famille des attaques du → dragon, animal diabolique par excellence, est explicitement comparée au monde, où les humains doivent se garder des ruses du diable.

On rencontre aussi d’autres interprétations qui restent plus marginales et sont dues, pour l’essentiel, aux besoins d’un projet littéraire précis: ainsi, Richard de Fournival, dans son Bestiaire d’Amour, compare l’enfantement dans l’eau à la nécessité de cacher la relation amoureuse au monde et assimile le faon de l’éléphant à l’amour réciproque. Dans son schéma exégétique conçu en clé érotique, l’éléphant mâle est l’amant loyal et la femelle la dame courtoise, qui tous les deux doivent se garder du → dragon, incarnation du faux amant et du losengier.

Certains bestiaires, comme celui de Philippe de Thaün ou celui de Guillaume le Clerc, évoquent aussi, sans les soumettre à une interprétation de type allégorique, des informations remontant à la tradition antique, relayée par Isidore: l’éléphant ressemble à un grand → boeuf, ses dents sont en ivoire, et il peut porter sur son dos une tour. Il a une mémoire formidable et dort appuyé contre un arbre puisqu’il est dépourvu d’articulations au niveau du genou qui lui permettraient de se relever s’il se couchait.

Du fait de la valorisation de la chasteté par la culture cléricale, l’éléphant bénéficie d’une image positive, de même que sa sagesse et sa haine du → dragon font de lui, malgré sa force et le danger qu’il représente en tant qu’éléphant de combat, un acteur dont les caractéristiques sont très généralement prises en bonne part.

Richard Trachsler

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