Elefant – C. – II.2 Tierkunde, Enzyklopädik

L’éléphant est parmi les animaux les plus commentés par les encyclopédistes. La notice qui lui est consacrée est toujours longue, le maximum étant atteint chez Vincent de Beauvais, qui lui consacre 15 chapitres, occupant 10 colonnes dans l’édition in-folio du Speculum Naturale (1624).

Le point de départ obligé est la notice des Etymologiae d’Isidore de Séville (Etymologiae 12,2,14-16, abr. IS), qui explique l’étymologie d’elephas à partir du mot grec pour ›montagne‹, et celle de son autre nom barro d’après son cri, ainsi que le surnom ›boeuf de Lucanie‹ qui rappelle les batailles contre Pyrrhus. Il décrit la trompe et le cri, évoque l’usage des éléphants pour la guerre par les Mèdes et les Perses qui les armaient de tours, insiste sur la mémoire de l’éléphant, sa peur des → souris, ses moeurs grégaires, puis décrit l’accouchement aquatique, l’inimitié avec les → dragons, la longévité, la répartition.

Raban Maur (De naturis rerum, 8,31) reprend ces données et ajoute une allégorie: l’éléphant est comme le pêcheur lourd de péchés et difforme; parfois cependant l’éléphant est comparé au Christ.

Les encyclopédies du XIIIe siècle sont prolixes et nous en classerons les données par registres, en usant des abréviations: AN pour Alexander Ne-quam, De naturis rerum, 2,143-145 (3 chap.); TC pour Thomas de Cantimpré, Liber de natura rerum 4,33 (5 pages); BA pour Barthélemy l’Anglais, De proprietatibus rerum, 18,41-43 (3 chap.) ; VB pour Vincent de Beauvais, Speculum Naturale, 19,38-52; CP pour Compendium Philosophiae, 4,35.

L’étymologie de l’éléphant est habituellement reprise d’Isidore, de même que la répartition ancienne en Afrique, d’où on les croit disparus, et en Asie, où ils subsistent.

On décrit l’animal, surtout sa trompe (proboscida IS, promuscis/promuscides AN, TC, BA, VB) qui lui sert de main, de siphon et d’arme, ainsi que ses défenses, que l’animal utilise avec soin afin d’épargner l’acuité de l’une d’elles; mais quand les chasseurs le traquent pour son ivoire, il use les deux défenses afin de les rendre moins enviables (TC, BA, VB). La taille immense de l’éléphant est rappelée par tous. On le dit, à la suite d’Ambroise et du Physiologus, dépourvu d’articulations dans les jambes (TC, BA, VB). Sa peau, d’une grande épaisseur, véritable carapace, est creusée de plis, ce que Alexander Nequam moralise: l’homme a reçu de grands dons mais reste fragile. L’éléphant a la peau moins épaisse au ventre, où il est vulnérable. La peau présente des ulcères, ce qui a donné le nom à la lèpre éléphantine (elephantiasis) (TC, VB). L’anatomie interne retient l’attention de Barthélemy l’Anglais (42) et Vincent de Beauvais (45).

L’éléphant vit longtemps: 300 (IS), 200 ou 300 (VB), voire 400 ans (AN).

L’alimentation de l’éléphant est peu décrite, on note qu’il aime l’orge et mange des palmes, qu’il boit de l’huile pour se soigner de l’empoisonnement, et que la terre avalée lui est nocive (VB).

Le comportement de reproduction intéresse tous les auteurs. L’éléphant est réputé pour sa chasteté et sa fidélité. Ses amours rares, en Orient, sont stimulées par la mandragore. L’accouchement, après deux ans, a lieu dans l’eau, la femelle étant protégée par le mâle des attaques du → dragon (AN, TC, BA, VB). Alexander Nequam moralise: ainsi le diable menace l’homme, qui se réfugie dans les eaux de la grâce et porte à la lumière les bonnes propositions qu’il a formées, tel l’élélephant qui enfante; l’ivoire signifie la chasteté dans les Ecritures.

Les textes répètent d’après le Physiologus la propriété des éléphants dormant appuyés contre un arbre, et piégés de la sorte par les hommes qui leur scient le support. D’autres procédés sont décrits (pièges et fosses à éléphant). En Ethiopie, deux filles nues habitent en forêt, l’une porte un plateau, l’autre un glaive. L’éléphant, charmé, se prosterne aux pieds de la première et s’endort à son chant, la seconde le tue de son glaive, et sa compagne recueille le sang (BA, VB); c’est une allégorie de l’Eglise et de la Synagogue.

La domestication est invariablement notée, divers procédés sont décrits, tel celui qui consiste à faire battre l’éléphant par un homme, tandis qu’un autre lui fait du bien, ce qui le fait aimer de l’animal (TC, BA, VB). TC y glisse une morale: qu’en est-il de l’homme, ingrat envers son libérateur, le Christ? L’éléphant a bonne mémoire, et garde une rancune tenace: gare à celui qui lui a fait du mal, il peut se trouver un jour balayé par une vidange de vessie titanesque (AN, VB). Une fois domestique, l’éléphant accomplit d’immenses travaux, et il peut même être utile à la guerre. Ceci retient fortement l’attention (deux chap. chez VB, 42-43, qui cite longuement le De re militari de Végèce René ). On note l’effet dévastateur de l’animal dans les rangs ennemis, l’impossibilité de le freiner (mais Végèce enseigne divers procédés). Alexandre le Grand usa d’un stratagème habile: des statues d’airain incandescentes auxquelles les éléphants se brûlèrent, ou des porcs lâchés à leur approche et dont les grognements les troublèrent (TC, VB). Les éléphants supportent des tours où prennent place des combattants.

Dans la nature, les éléphants nourrissent de vives antipathies pour les → dragons, les → serpents, le → caméléon, les → souris qui leur font peur, les → porcs, les → taureaux, le → rhinocéros qui leur fend le ventre. Attaqué par un dragon qui lui lie les pattes, voire le vide de son sang, l’éléphant tombe sur lui en expirant et le tue (AN, TC, BA, VB).

Le comportement grégaire des éléphants est loué, leur soin pour les animaux blessés dans le combat est remarquable (AN, TC, VB, CP). Lorsqu’ils traversent les plans d’eau, ils envoient les petits en premiers. Ils nagent volontiers, se baignent à la nouvelle lune, ont une connaissance des astres (VB).

Bien des usages sont faits de l’ivoire, des os, du corps. Les os brûlés éloignent serpents et vermine (TC, VB, CP), soignent divers maux, et on en tire le spodium (TC, VB), ce qui est discuté chez Vincent de Beauvais qui rappelle que cette cendre provient d’une racine selon Avicenne. Un chapitre De diversis medicaminibus ex elephante (52) termine la matière éléphantesque chez Vincent.

Dans sa riche paraphrase de la zoologie d’Aristote, le De animalibus, Albert le Grand commente amplement les données du Stagirite sur l’éléphant, principalement au livre II. Au livre XXII.37, sa reprise de la notice de Thomas de Cantimpré est fortement sélective et omet bien des données. Il exprime ses réserves sur la lutte de l’éléphant et du → dragon, et sur l’absence d’articulations dans les pattes, renvoyée à l’avis des gens sans expertise. Il ne touche dès lors pas un mot des modes de capture contés dans sa source (ruse de l’arbre scié, pucelles d’Ethiopie), ni de la conception orientale, mais il ajoute quelques nouveautés sur les vertus de la chair et des membres internes de l’éléphant pour l’homme.

Baudouin Van den Abeele

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